12 CHRISTINE DE SUÈDE ET LE CARDINAL AZZOLINO .
cérémonies catholiques une constante sympathie . — Les sujets
neurasthéniques se laissent encore de nos jours facilement
impressionner par les pompes religieuses du catholicisme .
Christine était déjà une f e m m e faite lorsqu elle laissa pa-
raître son peu de goût pour le service protestant . Mais depuis
longtemps déjà elle avait ressenti les premières attaques du
doute . Voici le récit qu ' elle fait elle-même ( 1) de ses luttes
intimes : ,
« J ' avais à peine l ' âge de la raison que j ' étais d e v e n u e in-
crédule et défiante . J ' avais du mépris pour t o u t ce qui m ' e n -
vironnait , surtout pour mes femmes , desquelles j e ne pouvais
souffrir aucune correction . Ma gouvernante était aussi ma
tante ( 2). Cela me donnait quelque considération et m ê m e de
l ' amour pour elle , mais je ne souffrais qu ' avec peine les cor-
rections . Je n ' avais de l ' estime que p o u r m o n p r é c e p t e u r ( 3)
et pour mon gouverneur ( 4). C ' était aussi de fort honnêtes
gens , et par l ' amitié et l ' estime que j ' avais pour eux je souf-
frais tout d ' eux , mais aussi il fallait qu ' ils me rendissent raison
de tout , et de cette manière ils ne trouvaient a u c u n e répu-
gnance en moi , et [ quoique ] ( 5) j ' étais incrédule et méfiante ,
ces deux hommes , qui étaient amis , avaient toute autorité
auprès de moi . Ils surent si bien me p r e n d r e qu ' ils gagnèrent
( 1) Cet écrit a p r o b a b l e m e n t été destiné au c a r d i n a l Azzolino . On v e r r a plus
loin ( p. 262 et 291) que Christine avait , à la d e m a n d e d u c a r d i n a l , c o m m e n c é à
écrire ses Mémoires à Hambourg en 1666. E l l e r a p p o r t a son m a n u s c r i t à Rome ,
mais outre la minute de sa « Vie , etc. » , i m p r i m é e chez ARCKENHOLTZ , I I I , p . 1-
69, laquelle , d ' après une annotation a u t o g r a p h e en marge , a été c o m m e n c é e le
11 juin 1681, il ne se trouve plus aux Archives Azzolino q u e les d e u x premiers
feuillets d ' un ouvrage intitulé : Les Mémoires de Christine-Alexcindrine . C ' est '
du second de ces feuillets qu ' est tiré l ' extrait ci-dessus . J e n ' oserais cependant
affi rmer que ces feuillets f u r e n t écrits en 1666. L ' é c r i t u r e s e m b l e a p p a r t e n i r à
une epoque postérieure . Le filigrane . du p a p i e r est le môme q u e celui q u i servait
à la chancellerie de la Reine à H a m b o u r g , mais cette m a r q u e ( la c o l o m b e ) est
d u n emploi c o n s t a n t . Elle existe encore a u j o u r d ' h u i .
( 2) La princesse Catherine , sœur de Gustave-Adolphe , " é p o u s e du c o m t e pala-
tin Jean-Casimir des D e u x - P o n t s et m è r e de Charles X G u s t a v e , m o r t e en 1638.
( 3) Le docteur Jean Mathise , plus tard évèque de S t r e n g n a s , déposé de sa
charge en 1664, comme suspect de tendances calvinistes .
( 4) Le baron Axel Banér , sénateur et grand m a r é c h a l , ami i n t i m e de Gustave-
Adolphe .
( 5) Ce mot a été effacé par la Reine .
